Il bouge sans cesse, accumule les étourderies, ne termine jamais ce qu’il a commencé… Contrairement aux préjugés courants, l’enfant hyperactif n’est pas qu’un petit agité, dont l’énergie débordante épuiserait les parents. C’est avant tout un enfant en souffrance, dont le mal se cache derrière l’acronyme TDA/H (Trouble Déficit de l’Attention/Hyperactivité). « Il ne tient pas en place ! Et s’il était hyperactif ? » Cette question, nombreux sont les parents d’aujourd’hui à se l’être déjà posée. À force d’en entendre parler, à la télévision ou dans les journaux, l’hyperactivité apparaît parfois comme un véritable fléau qui toucherait un nombre incalculable de petits agités.
La réalité est toute autre. Être hyperactif, c’est en fait souffrir d’un syndrome appelé le TDA/H : le Trouble Déficit de l’Attention/Hyperactivité. D’après les différentes enquêtes menées à travers le monde, environ 5 % des enfants de 6 à 10 ans seraient concernés et parmi eux, une majorité de garçons (4 pour 1 fille). Mais l’agitation est loin d’être le seul symptôme nécessaire pour affirmer qu’un enfant souffre du TDA/H. Explications.
Agitation, inattention, impulsivité
« Les difficultés liées au TDA/H se décomposent en trois groupes. L’agitation, qui est en général le premier signe à être repéré, celui qui amène le plus de parents à consulter. Mais aussi l’impulsivité et l’inattention. » Si les premières manifestations du syndrome peuvent survenir assez tôt, dès 3 ans, ce n’est qu’au début de l’école primaire que l’on peut réellement commencer à se poser des questions. « Il faut être très prudent« . De nombreux enfants ont une agitation importante entre 3 et 6 ans, mais celle-ci est souvent naturelle. En revanche, lorsque cette hyperactivité persiste après cette tranche d’âge, elle commence à poser de vraies difficultés. »
En classe, c’est surtout le déficit d’attention qui gêne les enfants. Ils n’arrivent tout simplement pas à se concentrer. Résultat, ils accumulent les étourderies, semblent ne pas écouter quand on leur parle, ne suivent pas les consignes et se laissent facilement distraire. Il leur arrive même régulièrement d’oublier et de perdre leurs affaires. L’agitation, qui passait jusque-là pour un trait de caractère, devient réellement problématique. Les enfants en prise au TDA/H ont de très grosses difficultés à se canaliser. Ils remuent sans cesse leurs mains et leurs pieds, se tortillent, se lèvent, courent, grimpent… Ils agissent comme s’ils étaient littéralement montés sur ressorts. Et parlent beaucoup, parfois très vite.
Enfin, l’impulsivité dont ils souffrent les pousse à agir avant de réfléchir, et donc par exemple répondre aux questions avant d’en avoir entendu la fin. Ils font preuve d’impatience, et sont par exemple incapables d’attendre leur tour. Ils ont tendance à interrompre les autres et à s’imposer à eux.
Un diagnostic prudent
Pris chacun isolément, les symptômes du TDA/H ne doivent pas amener les parents à s’inquiéter outre mesure. Un enfant peut être très énergique sans souffrir d’hyperactivité, un autre avoir parfois la tête dans les nuages sans que l’on puisse dire qu’il s’agit d’un déficit de l’attention et l’impatience infantile est somme toute assez courante. Il est donc nécessaire que plusieurs conditions soient réunies pour que l’on puisse réellement penser au TDA/H :
Les symptômes doivent persister dans au moins deux environnements différents (maison, école, activités extrascolaires…).
Rétrospectivement, on doit pouvoir se souvenir de la présence des premiers signes avant l’âge de 7 ans.
Il ne doit pas y avoir de problèmes de santé ou psychologiques qui pourraient justifier les symptômes (problèmes de vision, d’audition, retard intellectuel, difficultés familiales…).
La souffrance familiale, pour l’enfant et pour ceux qui l’entourent, doit être réelle.
Les autres pathologies (autisme, schizophrénie…) doivent être écartées.
« D’un enfant à l’autre, la présence et l’intensité des symptômes est très variable, ce qui rend le diagnostic aussi difficile. » Si un médecin généraliste peut suspecter un TDA/H chez son jeune patient, seul un spécialiste de ce syndrome (en général un pédopsychiatre, parfois un neurologue) sera apte à en poser le diagnostic. Il doit pour se faire réaliser un bilan, qui repose essentiellement sur l’observation de l’enfant et le recueil des informations le concernant auprès des adultes qui le côtoient. Le bilan se compose d’abord d’un entretien avec les parents et d’un examen de l’enfant. Des questionnaires destinés à évaluer l’intensité et la fréquence des symptômes sont adressés à la famille, mais aussi aux enseignants. Enfin, le médecin effectue un bilan somatique, afin de détecter les éventuels problèmes coexistants (épilepsie, dyslexie…).
Une prise en charge complexe
Si l’on ne guérit pas, à ce jour, du TDA/H, il est néanmoins possible pour l’enfant de l’apprivoiser et d’apprendre à vivre avec. De plus, il existe des méthodes palliatives dont le but est d’atténuer les symptômes et leur retentissement. La prise en charge est généralement coordonnée par un pédopsychiatre, dont le rôle pivot va de l’établissement du diagnostic à la prescription médicamenteuse, assisté de plusieurs autres spécialistes (psychologues, orthophonistes, psychomotriciens…). Elle réside en deux axes : l’axe psycho-éducatif, dont l’objectif est d’adapter autant que possible l’environnement éducatif aux caractéristiques de l’enfant, et l’axe médicamenteux, réservé aux enfants chez qui les troubles perturbent trop fortement la vie sociale ou scolaire.
L’axe psycho-éducatif reste le plus important. Il se traduit d’abord par un accompagnement familial. Le but est d’aider les parents à comprendre leur enfant, son syndrome, ses symptômes. Ce sont généralement des psychologues ou des éducateurs qui le proposent. « Il ne s’agit pas d’entamer une psychothérapie familiale pour rechercher les causes du trouble, mais de soutenir les parents. Car ils ont souvent besoin d’aide pour faire face : trouver des solutions aux manifestations du trouble, des stratégies d’encouragement, des méthodes d’organisation des tâches… ».
Lorsque cela est nécessaire, un accompagnement scolaire peut être envisagé. Assisté d’une AVS (assistante de vie scolaire), l’enfant bénéficie d’un encadrement personnalisé et adapté pour avancer au mieux dans sa scolarité. « Même si la plupart des AVS ne sont pas assez formées », souligne le psychiatre. La plupart des enfants présentent des troubles coexistants au TDA/H.
Il s’agit fréquemment de difficultés d’acquisition du langage écrit (dyslexie, dysorthographie), lesquels nécessitent une rééducation auprès d’un orthophoniste ou de troubles de coordination et de motricité qui demandent l’intervention d’un psychomotricien. « Mais attention, car l’on arrive vite à un empilement des interventions.
L’AVS à l’école, les séances d’orthophonie, les rendez-vous avec le psychomotricien, cela commence à faire beaucoup pour l’enfant, et pour sa famille. Il faut gérer avec attention les priorités. » Ainsi, une psychothérapie ne sera conseillée pour l’enfant que si celui-ci se révèle très anxieux, démoralisé, avec une mauvaise opinion de lui-même.
Et l’avenir ? « La tendance est à la diminution, voire à la disparition spontanée de l’agitation vers la puberté. Quant aux autres troubles, l’impulsivité et le déficit d’attention, ils ne disparaissent pas mais vont généralement en s’améliorant. »
Certes, on ne guérit pas du TDA/H. Mais mieux l’enfant aura appris à vivre avec son syndrome, plus l’adulte qu’il deviendra sera épanoui et intégré